vendredi 10 mai 2013

Les Folies Bergère

Porcel & Zidrou

Éditions Dargaud
ISBN 978 2 5050 1390 7
92 pages
2012

(Offert)


Quatrième de couverture:

"A la fin de la guerre - parce que faudra bien
 qu'elle se termine un jour, hein ! - on s'est tous juré 
d'aller fêter ça aux Folies Bergère, à Paris.
C'est pour ça le nom."

Mes impressions: 

1918. Sur le front, la guerre des tranchées fait rage. Les deux camps sont positionnés face à face, terrés dans des tranchées boueuses, parfois à quelques dizaines de mètres les uns des autres. Le conflit dure depuis maintenant quatre longues années et semblent ne jamais devoir finir. Ajoutés à cela, la faim, la fatigue, et l’odeur pestilentielle, l’odeur de la charogne, l’odeur de la mort, les cœurs sont meurtris, les nerfs sont à vifs.

Au cœur de toutes cette folie meurtrière, la violence et l’antisémitisme ne sont pas toujours là où on les attend, trois soldats vont d’ailleurs en faire les frais, comme de misérables traitres, trois soldats ou presque. Quand chaque minute vous confronte à l'insoutenable, la terreur, la mort, c’est parfois un petit rien qui vous fait disjoncter et commettre l’irréparable. Le regard de vos enfants qui vous manque, le contact de la peau d’une femme, son odeur, son amour…

Pour surmonter l’horreur du quotidien dans ce cloaque, les soldats se sont inventés une échappatoire. Ils s’imaginent aux Folies Bergère, nom duquel ils ont rebaptisé leur compagnie, dansent même parfois avec un mannequin de fortune mais surtout pensent à l’après-guerre, quand ils s’y retrouveront tous ensemble, à regarder virevolter les jupons froufroutants dévoilant des cuisses forcément légères. Quand tout ce carnage ne sera plus qu’un lointain souvenir... Un peu de la même manière, quand vient l’heure du repas, on imagine des repas de fêtes, histoire d’arriver à faire passer l’immonde magma nauséabond qui tient lieu de repas. Essayer de ne pas perdre pied en s’accrochant au passé, à sa vie d’avant et à sa vie d’après qu’on fantasme forcément. Fantasmes et réalité finissent parfois par se mêler, s’entremêler, jusqu’à se confondre, tout se mélange, tout s’assombrit, jusqu’à la folie…

Du gris, du brun, du noir, un peu de rouge, forcément, un album sombre, noir, aux couleurs de la boue, aux couleurs des ténèbres, aux couleurs du sang, aux couleurs de la mort, aux couleurs de la guerre… Paradoxalement, dans toute cette noirceur, les quelques respirations bienvenues sont apportées par Monet, peintre de la couleur mais surtout de la lumière…

Une plongée suffocante dans le quotidien infernal des soldats de la 17ème compagnie d’infanterie dont on ne peut assurément pas ressortir indemne. C’est violent, c’est cru, c’est réaliste, c’est la vie et c’est aussi et surtout la mort.

Folies Bergères, un album magistral aux couleurs de l'enfer !


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Un énorme merci à ma petite fleur du sud-ouest pour cette magnifique découverte. 

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Citations:

"- Le grand beau qui porte bien...lui avait tendance à couvrir d'un peu trop près les arrières des plus jeunes de ses camarades de bataillon...si tu vois ce que je veux dire ! 
 - Peuchère ! Il y a des choses plus agréables à se prendre dans le cul qu'un obus !" 

"- Je dois vous avouer Verrat, que je m'attendais à autre chose. Je veux dire...c'est plutôt calme. Difficile de croire que nous sommes sur le front.
 - Ma femme aussi avant de me balancer des casseroles à la tête, elle est "plutôt calme"." 

"- Les gravures, c'est comme les photos: ça ne transmet pas les odeurs. L'odeur des cadavres, celle de la peur...et cette odeur que vous dégagez quand vous défoncez à coups de crosse le crâne d'un pauvre allemand qui ne vous a rien fait, "un gamin, pas même 20 ans", et que ça vous fait...que ça vous fait bander." 

"- Pleure mon gars ! Tant qu'on pleure, c'est qu'on reste humain."



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10 commentaires:

  1. Mais c'est qu'elle est adorable cette petite fleur du sud-ouest! En plus, elle a bon goût...Une personne qui gagne à être connue...Assurément! :D
    J'avais moi aussi adoré ce one shot... Il est vrai que les passages consacrés à Monet permettent de souffler un peu...
    Chouette critique!

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    1. Bien moins chouette que ma petite fleur du sud-ouest... ;)

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  2. Malgré la noiceur de l'histoire, on peut y lire à travers tes lignes beaucoup d'espoir. Je ne peux m'empêcher de penser au trés beau film "Joyeux Noël" durant la guerre 14/18 avec Guillaume Canet...

    De Zidrou j'ai une BD qui me fait de l'oeil "Le beau voyage" je pense que pour un 1er Zidrou je commencerai par un beau voyage plutôt que par les horreurs de la guerre :D

    Ton billet est magnifique, Bravo !

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  3. Très beau film oui.
    "Beau voyage" à toi et merci ! :)

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  4. Zidrou a beaucoup de talent...et on le retrouve toujours où on l'attends le moins...j'ai adoré le " beau voyage" et je guetterais celui-ci à la bibli^^

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    1. Je ne le connaissais pas, je vais le suivre de près...

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  5. Comment ne pas noter après un billet pareil. De toute façon c'est Zidrou, alors...

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    1. Zidrou, un auteur que je vais désormais suivre de près.
      Merci.

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  6. "- Pleure mon gars ! Tant qu'on pleure, c'est qu'on reste humain."

    C'est tellement beau qu'on dirait du Bukowski. J'en ai les larmes aux yeux. Et pourtant, je n'ai même pas encore regarder sous les jupons virevoltants...

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